INTIMACY PEKIN 4-28 10 2010
STEVEN BERNAS PEKIN DEC 2010
PHOTO-VIDEO ARTIST
IN TACTILE TERRITORY
Aux limites du photographiable
Exposition collective
L’Alcazar, 2009 Décembre janvier 2010
Commissaire d’exposition Jean Arrouye
In Photographier l’innomable
Texte de Jean Arrouye
Les œuvres de ces huit artistes intitulée les Limites du photographiable (Marseille, l’Alcazar, 2009) ont en commun de ne rien représenter ou plutôt de ne représenter que des objets ou des processus difficilement définissables et cernables : étendues, zones, formes, tracés, passages, contrastes, passages, fusion, etc., dont la mention n’évoque rien de fixe ni de précis. Aussi est-il difficile d’en parler et de les commenter. En tout cas rien du monde extérieur n’y est reconnaissable : leur justification est intrinsèque, tient à l'organisation de leur apparence, à sa cohérence esthétique ; ce sont bien des photographies de l’innommable, car quand la photographie se refuse à représenter le monde, le langage qui est fait pour décrire ce dernier (ce premier, dans le processus de la création d'images photographiques) fait défaut pour parler d'elles.
Par contre la remarque que fait Michel Guérin dans Qu’est-ce qu’une œuvre ? prend une pertinence particulière : « Lorsque nous disons, parlant d’une œuvre, que c’est une création, nous serions bien inspirés de l’entendre ensemble au passif et à l’actif : l’œuvre a été créée, certes, mais en même temps, elle développe sa propre énergie créatrice. Autrement dit la production ne prend tout son sens que là où le creatum se donne également comme un creans ». (Michel Guérin, Qu’est-ce qu’une œuvre ?, Arles, Actes Sud, 1986, p. 27.)
Les photographies de Steven Bernas vont à l’encontre de la nature de la photographie dont la fonction première est de représenter le monde avec exactitude, ainsi que le soulignait François Arago. Or ces photographes s’ingénient à en brouiller l’image, à effacer les formes des objets qui paraissent dans ses clichés. Devrait-on parler en conséquence de photographies à rebours, qui témoignent de ce qui s'est passé derrière l’appareil ? Non, car ces images sont constituées du butin lumineux et coloré saisi par l’objectif. Mais il n’est pas inventoriable. Dans des photographies de Steven Bernas, parfois se maintient, localement, la présence d'un objet : une page écrite, mais elle est illisible ; un meuble, peut-être, de volume arrondi, mais finalement chose inidentifiable. C'est que ces objets ne sont là que pour se refuser, pour faire percevoir, et apprécier, le fait que le sujet de ces photographies est l’investissement de leur étendue par la lumière et la couleur confondues et le dynamisme avec lequel il s’effectue. D'autres images de Steven Bernas se passent de cette démonstration de la légitimité de leur abandon de la mimesis.
Jean Arrouye